De l’importance du ressentiment pour comprendre le mal
Ayant vécu quelques injustices dans ma vie, des décès prématurés de proches, diverses médisances, ainsi que des échecs personnels et professionnels, et sans doute bien d’autres injustices encore, je me suis aperçu que cela avait des conséquences sur ma personnalité : je pouvais devenir plus susceptible, plus irritable et parfois aussi un peu trop colérique à mon goût. Le plus dur dans ce constat, était de voir que ce caractère désagréable avait tendance à se manifester plus particulièrement avec mes proches. Et paradoxalement, c’était parfois avec les personnes que j’aimais tout particulièrement que les colères faisaient surface sans prévenir. Je me transformais alors en agresseur alors qu’au départ j’avais surtout été une victime.
En tant que philosophe, je ne pouvais pas accepter d’en rester là sans comprendre. Je me suis donc mis à étudier ce qui pouvait être à l’origine de cette susceptibilité, de ces colères. En faisant des recherches, je me suis aperçu que des philosophes avaient donné un nom à ce sentiment, ils l’ont appelé : ressentiment. Le premier philosophe à en avoir parlé, c’est Frédéric Nietzsche dans son livre Généalogie de la morale. Cependant, en lisant ce livre, je me suis vite aperçu que Nietzsche y était violemment antisémite et antichrétien, même si, à certains moments, ce qu’il disait sur le ressentiment était pertinent. J’ai donc cherché s’il n’y avait pas eu un autre philosophe qui aurait repris ce thème depuis. Il se trouve qu’un livre s’intitulant justement Le Ressentiment, a été écrit par un autre philosophe allemand : Max Scheler. Grâce à lui, j’ai pu mieux comprendre comment fonctionnait le ressentiment.
Cela m’a permis d’initier auprès de mes élèves de nouveaux cours de philosophie. Je me suis en effet aperçu petit à petit que le ressentiment avait une place beaucoup plus importante que ce que je pensais dans notre psychologie et que je n’étais pas le seul à être concerné par sa présence. Je me suis aperçu même que c’était souvent lui qui déboussolait la petite voix de notre conscience que Thomas d’Aquin appelait la syndérèse. En effet, nous avons tous un sens inné du bien et du mal, une petite voix intime « qui nous incite au bien et murmure contre le mal » mais malheureusement soit nous ne l’écoutons pas et préférons écouter nos désirs ou nos passions, soit nous ne l’entendons plus en raison justement de la présence en nous du ressentiment. Or le plus dramatique avec le ressentiment, c’est que celui-ci peut être refoulé et donc ne pas apparaître visiblement quand nous cherchons en nous-mêmes ce que nous ressentons. Nous pouvons nous sentir tout à fait apaisés et nous retrouver quelques temps après sous l’emprise d’une colère qui sort malgré nous.
Le film Into The Wild
De manière étrange, depuis trois ans, j’ai des élèves qui me parlent du film Into The Wild de Sean Penn quand je présente la notion de liberté et particulièrement le faux-ami de la liberté que représente le désir d’indépendance totale. L’année dernière, encore une fois, des élèves m’ont reparlé de ce film qui les avait profondément touchés. Je suis donc allé lire le synopsis, et en le lisant, ayant médité le livre de Max Scheler sur le ressentiment, je me suis dit que le héros du film, Christopher McCandless, devait lui aussi avoir été la marionnette de son ressentiment. Je me suis donc fait une hypothèse à ce sujet, en me disant que sa stratégie de fuite en Alaska devait être le fruit de son ressentiment. Je pense d’ailleurs que de nombreuses stratégies de fuite, viennent du ressentiment : quête du pouvoir, ambition démesurée, alcoolisme, sexualité désordonnée, jeux video, repli sur soi, etc.
J’ai donc acheté le film. En regardant ce film, qui est réellement un petit chef d’œuvre, à la fois pour la beauté des paysages, l’excellent jeu des acteurs, mais surtout pour la profondeur de ce qu’il nous révèle sur les blessures humaines et comment elles viennent empoisonner notre existence, j’ai compris que mon hypothèse tenait la route. J’ai voulu cependant en savoir plus pour mieux connaître les raisons qui avaient poussé Christopher à fuir en Alaska pour finalement, malgré lui, y perdre la vie. J’ai donc acheté le livre Into The Wild écrit par le journaliste et aventurier Jon Krakauer. J’ai découvert toutes les injustices que le pauvre Christopher avait vécu dans son enfance, en raison d’un père autoritaire rendu violent par l’alcool et la drogue. Cela ne me suffisait cependant pas, et quand je me suis aperçu que Carine McCandless, la sœur de Christopher, avait sorti en 2014 ses confidences sur sa vie et celle de son frère, je les ai achetées et les ai lues attentivement.
Ces lectures m’ont permis de confirmer mon hypothèse. Plus encore, en revoyant à nouveau le film, j’ai pris conscience que je pouvais réaliser grâce à lui un montage vidéo qui pourrait permettre de bien mettre en évidence le fonctionnement du ressentiment et les conséquences qu’il peut avoir sur notre vie. Beaucoup de mauvaises décisions que nous prenons viennent en effet de cet empoisonnement de l’âme que représente le ressentiment. Grâce au montage vidéo, je trouvais alors une solution pour rendre visible quelque chose d’assez complexe à faire comprendre à partir de la pensée seule des philosophes.
Ressentiment et pardon
J’avais déjà pris conscience que la seule solution pour guérir de cet empoisonnement qu’est le ressentiment, c’est le pardon. C’est d’ailleurs une bonne nouvelle : il existe un antidote au ressentiment, c’est le pardon. Le problème, malheureusement, c’est que nous sommes nombreux à mal comprendre ce qu’est pardonner. Nous confondons souvent pardon et faiblesse, pardon et oubli, pardon et excuse, et nous le confondons avec beaucoup d’autres choses encore. J’ai donc travaillé cette notion avec les auteurs que j’ai pu trouver : Vladimir Jankélévitch, Hannah Arendt et Jean Monbourquette. Cela m’a permis de réaliser un cours pour mes élèves pour qu’ils apprennent mieux à cerner ce qu’était pardonner. Par ailleurs, je me suis aperçu, que la pensée de Max Scheler permettait de mieux comprendre cette formule que l’on trouve dans le film Into The Wild : « pardonner, c’est aimer ».
En effet, ce qui m’a beaucoup touché dans le film Into The Wild, c’est que le pardon y apparaît aussi comme la solution, même si Christopher n’arrive pas à pardonner suffisamment vite pour se sauver lui-même, tellement le ressentiment a pris de la place dans son existence sous la forme de son obsession de fuite en Alaska. Je pouvais donc, dans un même montage vidéo, mettre en évidence le ressentiment et ce qui permet d’en guérir, le pardon.
Petits cadeaux
Plutôt que de garder tout ce travail que je viens de réaliser en deux ans de lectures, de méditations, d’écriture et de montage vidéo, pour ma profession et pour mes seuls élèves, je me suis dit qu’il pourrait être bon que je vous le donne comme un ensemble de petits cadeaux. Ces lectures, ces réflexions, et le travail approfondi au sujet de ce film, m’ont permis d’être beaucoup plus apaisé avec moi-même et de mieux comprendre les réactions disproportionnées des personnes que je côtoie. Si d’aventure, cela pouvait faire sur vous le même effet, alors peut-être que cela pourrait justifier en partie les erreurs passées que j’ai pu faire : ce serait comme si de mes erreurs, un bien pouvait naître…
Les documents que je vous donne sont donc les suivants :
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J’ai réalisé un diaporama simplifié pour le ressentiment pour mes élèves, je l’ai voulu le plus accessible possible en y mettant de nombreuses images faciles à comprendre, le voici : ressentimenteasy ;
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Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur la pensée de Nietzsche et de Scheler, j’ai réalisé, il y a 6 ans, pour mes élèves de terminale littéraire, un diaporama plus dense au sujet du ressentiment : ressentiment ;
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Comme la notion de pardon est difficile à comprendre, j’ai réalisé un diaporama pour des collègues, il y a 3 ans : pardondiapo ;
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Comme cela ne suffit pas pour bien comprendre le pardon, je vous mets aussi le cours que j’ai réalisé, il y a 3 ans : pardon ;
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Enfin, pour ceux qui seraient très motivés pour mieux connaître la pensée de Max Scheler et qui constateraient qu’il n’est plus possible de commander son livre en français, je vous mets une partie du livre que j’ai ressaisie : textescheler.
L’avantage de procéder ainsi, c’est que vous pouvez recevoir ces cadeaux, prendre le temps de les étudier si vous le désirez ou les laisser de côté. La lecture d’une page web laisse la liberté des personnes complète. De plus, comme cette page se trouve sur le site web que je mets à disposition pour mes élèves, vous pouvez y trouver plein d’autres ressources que je leur laisse à disposition. Je vous invite à regarder, si cela vous intéresse, les cours sur la liberté et sur les vertus, car ils sont indirectement en lien avec les notions de ressentiment et de pardon.
Je terminerai cet article par cette belle citation que l’on trouve dans le film Into The Wild :
« Quand on pardonne à son frère on aime… et quand on aime, la lumière divine descend sur nous… »