Hannah Arendt rejoint de manière assez surprenante la pensée de René Girard dans ce texte, c’est pourquoi je tenais à vous le faire connaître. Vous le trouverez aussi en format pdf ici : DLR.
« Le rapport entre le problème du commencement et le phénomène de la révolution est évident. Qu’un tel commencement doive être étroitement lié à la violence, voilà qui semble attesté par les débuts mythiques de notre histoire, que ce soit dans la Bible ou l’Antiquité classique : Caïn tua Abel, Romulus tua Remus ; la violence fut le commencement et, de la même façon, nul commencement ne pourrait advenir sans recours à la violence, sans violation. Les premiers actes que notre tradition biblique et séculière ait enregistrés, qu’ils soient tenus pour légendaires ou passent pour des faits historiques, ont traversé les siècles avec cette force qui atteint la pensée humaine dans les rares occasions où elle crée de puissantes métaphores ou des récits de portée universelle. La parole du récit était sans équivoque : toute la fraternité dont les humains sont capables est issue d’un fratricide, toute organisation politique que les hommes ont pu mettre en œuvre trouve son origine dans un crime. Au commencement était un crime, cette conviction — la formule de l’« état de nature » n’en est que la paraphrase épurée de la théorie — a conservé à travers les siècles une vraisemblance en matière d’affaires humaines non moins évidente que celle du premier verset de saint Jean, « Au commencement était le Verbe », en matière de salut. »
Hannah Arendt, De la révolution, édition Folio Essais, dernier paragraphe de l’introduction, p. 25.
Dans ce livre Hannah Arendt évoque les conseils ouvriers de la révolution hongroise de 1956, c’est pourquoi j’ai choisi pour cet article une image du parlement hongrois de Budapest.