I. Le passage de la bonne réciprocité à la mauvaise réciprocité
Nous avons vu, il y a quelques semaines, la notion de Boomerang Magique de Lord Voldemort. J’aimerais revenir un peu sur cette notion pour qu’elle soit bien claire à votre esprit.
Avec la notion de désir mimétique mise en évidence par René Girard, nous allons, petit à petit, prendre conscience que beaucoup de choses dans nos relations humaines reposent sur l’imitation des gestes, des paroles et du ton de la voix, des émotions et des désirs des autres. Ce constat n’est pas forcément négatif en soi mais si nous n’y prenons garde, nous pouvons nous mettre à imiter un comportement négatif que nous aurions attrapé chez un de nos proches ou un de nos médiateurs.
Cela correspond à l’exemple de la poignée de main choisi par René Girard dans son livre Celui par qui le scandale arrive pp. 25-29, pour nous faire prendre conscience du risque important que nous pouvons rencontrer dans nos relations humaines de basculer de ce qu’il appelle la bonne réciprocité à la mauvaise réciprocité. Il ne faut en effet pas grand chose pour que nous haussions la voix face à quelqu’un qui nous parle mal, et de fil en aiguille, nous pouvons finir par nous fâcher avec lui alors qu’au départ il était peut-être simplement énervé par un événement qui n’avait rien à voir avec nous-même.
II. La métaphore du Boomerang Magique de Lord Voldemort
C’est pour assayer de vous faire aisément retenir ce danger du passage de la bonne réciprocité à la mauvaise réciprocité que j’ai forgé la métaphore du Boomerang Magique de Lord Voldemort.
Vous connaissez tous le personnage créé par J. K. Rowling qui est le principal ennemi de Harry Potter. C’est un magicien noir célèbre maintenant sur toute la planète même s’il représente un personnage imaginaire. Son but est de prendre le pouvoir pour tout gouverner et détruire toutes les personnes non magiciennes. Seuls les magiciens survivront si son règne vient, à la condition expresse qu’ils lui fassent serment d’allégeance. Ce serait à propremet parler la disparition de l’humanité telle que nous la connaissons.
Je sais bien que ce personnage n’existe pas réellement avec ce nom. Je sais aussi qu’il n’a pas, dans la série romantique inventée par J. K. Rowling, un boomerang qui lui servirait d’arme, mais il me semble pertinent de le choisir comme support pour que nous mémorisions le danger de la violence, qu’elle soit physique ou bien déjà simplement verbale.
Nous sous-estimons en effet la puissance de la violence, et particulièrement la puissance de la violence verbale qui ne se joue pas seulement au travers des mots que nous utilisons mais bien plus au travers du ton de la voix. En effet, ce qui passe par la voix, c’est bien souvent les émotions que nous éprouvons au moment où nous parlons. Ces émotions ont beau être déconnectées de la situation présente et être reliées à notre passé plus ou moins bien accepté, elles peuvent contaminer la personne à qui nous parlons de manière aussi dangereuse qu’un virus mortel.
III. Les effets magiques de ce boomerang
C’est ce que désigne la métaphore du Boomerang Magique de Lord Voldemort. Ce boomerang possède en effet plusieurs effets magiques, il ne respecte pas les lois classiques de la physique, les voici :
- Ce boomerang revient avec une force plus grande que celle qui a servi à le lancer. Si nous parlons mal à quelqu’un, à son tour il nous parlera mal, et il ajoutera la plupart du temps un degré supplémentaire dans l’agressivité de sa voix ou dans l’agressivité du vocabulaire ou du sens véhiculé. Parfois, il passera directement à la violence physique alors que nous étions au départ dans la violence verbale.
- Il peut revenir avec un décalage temporel plus ou moins important et de manière déformée. Si vous parlez mal à quelqu’un et que cette personne n’est pas en mesure, en raison de sa faiblesse présente ou de sa place hiérarchique, de vous rendre votre agressivité, elle vous la rendra peut-être beaucoup plus tard et de manière très différente. Cela correspond au proverbe français : « la vengeance est un plat qui se mange froid ». J’aurai l’occasion de revenir sur la notion de vengeance dans un prochain article en parlant de la loi de Lamech (ou Lamek).
- Il peut revenir en étant lancé par une autre personne que celle qui était concernée au départ. Ainsi, si vous parlez mal à une personne A, ce sera peut-être une personne B qui a assisté à la scène qui répondra de manière agressive. Cela peut être aussi une personne C, qui est « amie » de A, et qui par cette allégeance tacite, se sentira responsable de vous renvoyer l’agressivité dont vous avez fait preuve à l’égard de A. Cela peut être aussi une personne D qui est en serment d’allégeance vis à vis de C, qui lui même se sent obligé vis à vis de A. Et ainsi de suite… Cela complique parfois la compréhension de l’événement qui représente la cause première de la crise mimétique de la violence. Parfois, nous ne nous souvenons plus de l’agressivité dont nous avons fait preuve, tellement cette agressivité était minime en comparaison de l’effet subi.
- Et le plus terrible des effets magiques de ce Boomerang, c’est celui que j’appelle l’effet Ginny Weasley. Dans le deuxième tome de la série, Harry Potter et la Chambre des secrets, Ginny se retrouve sous l’emprise du journal intime de Tom Jedusor (alias Lord Voldemort), dans lequel se trouvait un horcrux de Voldemort. Elle est en fait possédée par la volonté de cet horcrux. Elle ne peut plus par elle même se sauver de cette emprise, elle devient la marionnette de la volonté désincarnée de Voldemort. Il en va de même avec le Boomerang Magique, si nous l’utilisons trop souvent, il prend peu à peu possession de nous, et nous n’arrivons pas par nous-même à nous défaire de son emprise. Il nous faut être aidé par une intervention extérieure, comme Ginny est aidée par l’intervention d’Harry Potter, pour être délivrés de son emprise démoniaque.
IV. Conseil final
Vous comprendrez mieux pourquoi j’ai choisi la photo avec le boomerang ainsi que ces deux dernières photos pour illustrer cet article. Dans la première, Voldemort rit de nous voir utiliser son boomerang. Il réussit par son intermédiaire à nous pousser à nous entre-détruire nous-même sans qu’il n’ait besoin d’intervenir, si ce n’est pour attiser notre désir de l’utiliser plus encore. La violence est vraiment ce Boomerang Magique voulu par ce Vieux Serpent Antique… et il n’est point besoin d’être violent physiquement pour commencer à s’en servir ! Les deux dernières photos visent à vous faire prendre conscience que même si elle apparaît l’option la plus facile et la plus séduisante, la violence est toujours plus dangereuse que ce qu’elle semble promettre !
Le plus grand conseil que je puis donc vous faire face à ce Boomerang, c’est donc de le lâcher le plus vite possible, et si vous n’y arrivez pas par vous-même, de vous faire aider par quelqu’un qui le peut.
Bonnes réflexions !