Dans la troisième partie de son livre Du mensonge à la violence, consacrée principalement à la notion de violence, Hannah Arendt se propose d’interroger le lien qui existe entre la violence et la politique. Avant de voir comment elle redéfinit précisément des notions centrales de la philosophie politique, il est bon de rappeler la mise en garde qu’elle formule à la fin de la première section de cette troisième partie :
Puisque nous nous préoccupons ici plus particulièrement de la violence, je dois formuler une mise en garde contre la tentation d’un malentendu. Lorsqu’on découvre dans l’histoire un processus chronologique continu, dont le progrès est, en outre, inévitable, la violence, sous forme de guerres et de révolutions, peut apparaître comme l’unique moyen d’interrompre le processus. S’il n’existait vraiment pas d’autre moyen que la pratique de la violence pour mettre un terme aux processus automatiques dans les affaires de l’humanité, les prêcheurs de violence auraient marqué un point important. (Ce point n’a jamais été marqué, pour autant que je sache, sur le plan de la théorie, mais il ne me paraît guère incontestable que les activités perturbatrices des étudiants, au cours des dernières années, aient été fondées sur cette conviction.) C’est le rôle de toute action, distincte en ce sens du simple comportement, de venir interrompre tout ce qui aurait dû autrement se poursuivre d’une façon automatique et, en ce sens, prévisible.
Hannah Arendt, Du mensonge à la violence, p. 134.
Nous oublions trop souvent que nous avons la capacité de prendre des initiatives et de nous coordonner. En apprenant à faire unité pour un but commun qui participe au Bien Commun, nous pouvons interrompre le cours de ce qui nous apparaît inéluctable. Une petite action concertée, sans utilisation de violence mais au contraire en s’appuyant sur une réelle amitié visant le Bien Commun, peut modifier le cours de choses. Nous le verrons un peu plus loin avec ce que Hannah Arendt nous dit, c’est sans doute cela le réel pouvoir que nous avons en notre possession mais que malheureusement, par manque de courage ou manque d’espérance, nous n’utilisons que trop peu.