Multiplicité des causes des névroses et des psychoses
Vous trouverez cet article au format pdf ici : Henri Baruk.
Certains courants de psychologie ont tendance à trop réduire la complexité du réel en généralisant un peu trop rapidement des vérités qui sont valables dans un domaine à des domaines connexes. Concernant les névroses et les psychoses, elles n’ont pas forcément des causes purement psychologiques. C’est le premier reproche qu’on pourrait faire à Freud qui a tendance parfois à trop rapporter les explications à son interprétation de la structure du psychisme. Henri Baruk discerne 4 causes possibles aux névroses et aux psychoses :
- Des causes anatomiques qui reposent sur la lésion d’un certain nombre d’organes suite à une maladie organique ou à un accident ;
- Des causes physiologiques qui reposent sur un déséquilibre du fonctionnement normal du corps dans sa globalité, soit en raison de déséquilibres endocriniens soit en raison d’intoxication, soit en raison d’autres maladies qui affectent l’ensemble de la physiologie ;
- Des causes psychologiques qui viennent de conflits émotionnels ou sentimentaux ;
- Des causes morales qui viennent des décisions prises par la personne qui affectent sa conscience morale.
Pour chaque névrose ou psychose, les causes peuvent s’entremêler. Réduire trop rapidement la souffrance de la personne à l’une de ces causes possibles revient à faire une erreur de diagnostique. Pour éviter cela, il faut développer une réelle connaissance de la sémiologie, c’est-à-dire de l’étude des symptômes des différentes maladies possibles, et de l’étiologie, c’est-à-dire de l’étude des causes possibles. C’est en pensée à cette notion d’étiologie que J’ai choisi de mettre des dominos comme photo afin d’illustrer la complexité des causes et de ce qu’elles peuvent entraîner. Sans une sémiologie et une étiologie sérieuse, on risque d’être incapable d’apporter des soins adéquats à la personne concernée.
Il me semble qu’il serait bon d’ajouter à ce que dit Henri Baruk deux catégories de causes possibles :
- Le fait que nous pouvons attraper les émotions et les sentiments des personnes que l’on rencontre par mimétisme, un peu comme il est possible d’attraper un virus, sauf que là ce serait un virus émotionnel. C’est ce que la découverte récente des neurones miroirs semble mettre en évidence. Henri Baruk ne pouvait pas le savoir puisque la découverte s’est faite après sa mort (Freud était d’ailleurs mort depuis encore plus longtemps). Nous devons la mise en évidence de l’importance de nos désirs mimétiques dans l’apparition de nos souffrances morales au philosophe René Girard.
- Le fait que la constitution même de la personne diffère des autres personnes. D’un point de vue originaire, chaque personne diffère des autres, pensons par exemple aux autistes ou à ceux qui sont dits HPI, leur souffrance ne vient pas forcément d’une défaillance anatomique, physiologique ou psychique, mais plutôt du handicap que leur différence entraîne dans une société qui ne tient pas assez compte des différences personnelles. La prise de conscience de l’importance de ces différences personnelles dans notre vie en société n’en est qu’à ces débuts.
Importance de la conscience morale
La critique la plus importante qu’Henri Baruk adresse à Freud concerne la réduction que ce dernier fait du rôle de la conscience morale. Freud réduit la conscience morale en définitive à un conflit entre individu et société (à un conflit entre le Ça et le Surmoi) et mésestime la constitution morale naturelle du psychisme humaine. Rien ne vaut la lecture du texte de Henri Baruk pour bien le comprendre, c’est pourquoi je vous le mets à disposition. Ce texte est extrait de son livre : La désorganisation de la personnalité. Cette critique a été écrite en 1952, il ne faudra donc pas être trop surpris du ton lyrique utilisé. Les craintes d’alors étaient gigantesques puisque nous venions tout juste de sortir de la seconde guerre mondiale, de l’horreur de la Shoah, et que le mois d’août 1945 avait sonné comme un glas possible pour l’humanité : Hiroshima et Nagasaki avaient en effet été réduites en cendre en un instant sous le feu ravageur de deux champignons atomiques.
Pour résumer son texte, nous pouvons dire que selon lui l’évolution des sciences humaines depuis plusieurs décennies a contribué à répandre une vision tronquée de l’homme où ce dernier est rabaissé au statut d’un animal parmi les autres. Que ce soit par une certaine compréhension de la théorie de Charles Darwin, une certaine vision du psychisme humain initiée par Sigmund Freud, une tendance de la sociologie à réduire les individus aux influences sociales déterminantes, ou encore en raison de la vision psychologique initiée par le béhaviorisme de John Broadus Watson qui refuse toute introspection pour ne conserver que les comportements observables, nous en arrivons à la même dégradation de la conception de l’homme où celui-ci perd ses plus hautes facultés morales que l’antiquité et le Moyen-Âge, non sans quelques excès certes, lui concédaient. L’homme, réduit à être un animal parmi les autres, perd ainsi ses facultés supérieures : la conscience morale, la volonté et l’intelligence. Cela n’est pas sans danger pour nos sociétés, cela n’est pas sans danger pour l’éducation.
Henri Baruk n’évoque pas du tout dans son livre l’importance des vertus, en revanche il voit l’importance fondamentale de la volonté et d’une saine reconnaissance de cette importance. C’est ce à quoi il appelle dans la conclusion de son livre que je vous mets aussi.
Nous pouvons en déduire que l’un des problèmes majeurs de la modernité, c’est d’avoir sous-estimer l’importance d’une éducation de la volonté. À force de vouloir réduire l’homme à un animal comme les autres, ou presque, nous avons oublié qu’un petit d’homme ne se dresse pas par des apprentissages réflexes, mais s’éduque par l’exemplarité, par la bienveillance chaleureuse et juste, par l’attention au caractère unique de chaque personne qui nous est confiée. Tout cela faisait partie de l’éducation des vertus même si malheureusement une forme de haine du corps avait dans l’antiquité et le Moyen-Âge pris sans doute trop souvent une place exagérée.
Avec Yves R. Simon, nous allons voir maintenant que les vertus réelles étant écartées, même si le mot était encore utilisé pour présenter tout autre chose, de nouveaux substituts modernes des vertus furent présentés. Aucun de ses substituts sont à même de remplacer efficacement les vertus, il est donc important de les réhabiliter.